Après le choc des événements qui ont frappé la Nouvelle-Calédonie depuis le 13 mai la FSU-NC souhaite tout d’abord adresser ses condoléances aux familles des victimes. Nous pensons également à toutes ces familles qui ont tant perdu et à l’ensemble des Calédoniens qui sont profondément bouleversés. Nous avons bien évidemment une attention particulière pour la communauté éducative du pays : enseignants, adjoints d’éducation, agents de service et personnels de direction.
La FSU-NC est consternée par plusieurs communiqués émanant de différentes sections départementales de la FSU qui n’ont même pas pris la précaution pourtant élémentaire de prendre contact avec le bureau fédéral en Nouvelle-Calédonie. Les médias métropolitains ne rendent pas compte de l’ampleur de la violence qui s’est déchaînée ces dernières semaines, que rien ne peut légitimer. Le bilan des morts et des blessés sera long à établir précisément mais il est d’ores et déjà très lourd. Des centaines d’entreprises et des milliers d’emplois ont été détruits. Des habitations de particuliers ont été saccagées et brûlées. Les barrages érigés dans tout le Grand Nouméa imposent un climat de peur. On ne peut ignorer également les discours de haine qui tentent de justifier ces actes.
Les établissements scolaires ont été particulièrement visés. Des personnes de toutes origines sociales et de toutes les communautés ethniques ont choisi de ne pas laisser la violence gratuite détruire ce pilier de la construction du destin commun qu’est le service public d’éducation. Malgré cela, parfois dépassés par la violence extrême des casseurs, ils n’ont pu protéger tous les établissements. Plusieurs écoles, collèges et un lycée professionnel ont ainsi été soumis aux pillages et aux destructions. Des personnels de direction ont été expulsés de leur logement de fonction avant de voir ceux-ci incendiés. On peut encore ajouter à cela la destruction complète de plusieurs médiathèques, du Centre de formation des apprentis et de nombreuses installations sportives. La reprise de l’école dans le Grand Nouméa sera un défi colossal dans les prochaines semaines. L’avenir de notre jeunesse notamment celle issue des milieux les plus défavorisés est aujourd’hui mis entre parenthèses.
Rien ne peut légitimer de telles actions !
Comment comprendre cette explosion ? Nous devons rester modestes et prudents dans l’analyse. Les accords de Matignon-Oudinot puis de Nouméa ont amorcé un processus de décolonisation. Le transfert des compétences a amené la Nouvelle-Calédonie à un niveau d’autonomie inédit au sein de la République Française. Deux des trois provinces du pays sont gouvernées par des partis indépendantistes depuis près de trente ans. Le gouvernement même si s’il est collégial est à majorité indépendantiste, le premier en Nouvelle-Calédonie depuis celui mené par Jean-Marie Tjibaou en 1982. Une élite kanak a pu émerger et exerce des responsabilités importantes. Le nickel, principale richesse du pays, est de compétence provinciale. L’usine du Nord est détenue majoritairement par la SMSP appartenant à la province Nord. Les populations du Sud sont également entrées au capital de l’usine du Sud. Comme le prévoyait l’accord de Nouméa, les signes identitaires kanak sont davantage mis en valeur. Le drapeau du FLNKS prend désormais place à côté de celui de la République Française sur tous les bâtiments officiels du pays.
Cependant tant reste encore à faire. Une part encore trop importante de la communauté kanak et des autres communautés océaniennes est marginalisée. Des sommes considérables ont été déversées en Nouvelle-Calédonie. Elles ont certes transformé le pays par la construction de nombreux établissements scolaires, de nouvelles infrastructures et l’essor du tissu économique mais elles ont dans le même temps creusé des inégalités qui sont pour le moins choquantes. Les choix politiques des deux camps ont été catastrophiques, chacun entretenant ses clientèles au détriment des populations. La FSU-NC en tant que syndicat de transformation sociale n’a eu de cesse d’alerter et de faire des propositions, en particulier dans le domaine de l’éducation mais qui n’ont eu que peu d’échos.
Le dossier calédonien ne doit pas être instrumentalisé dans l’Héxagone au bénéfice de quelques courants au sein de notre structure syndicale. Certains semblent vouloir l’inscrire dans une critique globale du macronisme et de sa gestion des crises récentes mais Il ne faut pas laisser ces interprétations « coloniser » l’analyse de la situation calédonienne. Notre pays mérite mieux que ça !
Depuis le dernier référendum, les extrêmes des deux camps sont entrés dans une logique de confrontation qui s’est focalisée sur la question du dégel du corps électoral. Il existe néanmoins des forces politiques et syndicales qui appellent au dialogue dans l’esprit des accords qui ont construit le pays au cours des trente années passées. Ces voix sont aujourd’hui étouffées c’est pour cela qu’elles doivent être davantage soutenues. LA FSU-NC milite pour la reprise d’un dialogue apaisé entre toutes les forces vives du pays. Des solutions politiques et économiques répondant aux aspirations de tous sont encore possibles. Nous invitons toutes les sections départementales de la FSU ainsi que la Direction nationale à se joindre à cet appel.
Nouméa le 3 juin 2024